Résumer ce que l’Homme a dit de la Nature demande bien de l’ardeur.
Aux érudits, je m’excuse d’avance en ce que mon exposé aura de lapidaire.
La dualité entre culture et nature est au moins millénaire. Leur lien dans la mythologie est un
petit insecte en voie de disparition et bien connu de toi, cher auditeur. Et oui, l’abeille (!),
par le miel qu’elle produit, adoucit les mœurs des hommes et favorise la création de la
culture, c’est-à-dire de la pensée, dans la mythologie grecque. Symbole de pureté et de
douceur, l’abeille permettait aux amérindiens d’entrer dans le domaine de la culture par
l’imitation de leur danse.

Abeille_-_PIXNIO-1710647.c5cb1ed4.fill-1000x500-c100
Cette vision de la Nature, comme modèle et excès à tempérer, est reprise chez les
romantiques allemands. Le peintre Friedrich et son aîné Goethe se représentent la Nature
comme une manifestation du divin et donc un moyen d’accéder au spirituel par un chemin
intérieur ardu. La Nature, dépeinte selon ses questionnements intérieurs et non un souci de
réalisme, est pleinement idéalisé et bien forte face aux hommes, fragiles par essence.
Et pourtant, la Nature peut aussi mener à l’harmonie. La littérature, comme la poésie, nous
livrent bien des témoignages de ce lien viscéral de l’homme aux forces telluriques.
Tenez par exemple Rousseau, il est l’illustration du philosophe incompris et un brin
paranoïaque, quoiqu’avec raison. Et pourtant, il n’a jamais été aussi heureux que chez Mme
d’Epinay, une demeure loin des hommes et au milieu des bois. Et l’on voit Rousseau évoquer
avec mélancolie ces « jours rapides mais délicieux que j’ai passés tout entiers avec moi seul
(…), avec les oiseaux de la campagne et les bûches de la forêt, avec la nature entière et son
inconcevable Auteur. ».

Jean-Jacques_Rousseau_(painted_portrait)

Tel Jacques Brel avec son amour, il fait de la Nature une divine reine
quand il reprend les mots de Jésus comparant la beauté des lis des champs à la parure du
grand roi Salomon : « la majesté des arbres qui me couvraient de leur ombre, la délicatesse
des arbustes qui m’environnent, l’étonnante variété des herbes et des fleurs que je foulais
sous mes pieds, tenaient mon esprit dans une alternative continuelle d’observation et
d’admiration (…) et me faisaient souvent redire en moi-même : « Non, Salomon dans toute
sa gloire ne fut jamais vêtu comme l’un d’eux ».

La fin de sa lettre Ă  son ami et protecteur Mr de Malesherbes sonne selon le point de vue
comme un manifeste misanthrope ou un hymne à la Nature : « je m’attendrissais jusqu’aux
larmes sur les vrais plaisirs de l’humanité, plaisirs si délicieux et si purs, et qui sont désormais
si loin des hommes. »
Un exilé du Sud-Ouest, venu s’aérer en Bretagne, ne peut que finir par le fantastique
chroniqueur, l’amoureux éternel de la forêt des Landes, François Mauriac. Comme le grand
écrivain qu’il est, il parvient en quelques phrases à nous plonger en enfance et surtout dans
les Landes, souvenir pour les habitués, découverte pour les néophytes : « Enfants, nous ne
connaissions guère que les landes : l’être collectif dénommé les garçons, et dont je n’étais
qu’une parcelle, avait décidé que hors le pays des pins, du sable et des cigales, il n’était pas
de vacances heureuses. (…) Ainsi, sont entrés en moi, pour l’éternité, ces étés implacables,
cette forêt crépitante de cigales sous un ciel d’airain ».
Je te laisse sur cette description onirique. Et surtout, prends bien soin de toi, ce week-end,
repos, on a en tous besoin…