Le Père Goriot : représentation de la paternité chez Balzac
Posté le 20 juin 2021 dans articles tableau de bord par Vincent.
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Big Banguienne, Big Banguien,
Cher lecteur, mon seul bien !
Pour la solidarité comme pour la paternité, il n’y a pas de plus belle valeur, de plus beau principe que l’inconditionnalité. Dans notre grande littérature, un personnage incarne à l’extrême cette passion vertueuse, celui du premier roman de Balzac, le central « Père Goriot ». En 1833, à la veille de la publication de l’ouvrage, Balzac confie à sa sœur son grand projet littéraire, restituer la France de son époque dans ses romans unis comme les doigts d’une main.
« La société française allait être l’historien ; je ne devais être que le secrétaire. »
Le Père Goriot et La Comédie Humaine
Voilà le grand projet, passons au concret, à ce que Balzac sait faire de mieux, dépeindre le caractère et les remous intérieurs de ses personnages. Et Dieu sait que Goriot est secrètement tourmenté… Négociant dans les pâtes alimentaires, il dote et marie ses filles avec la haute société parisienne. Enivrées par les mondanités de la ville-monde, elles délaissent, renient leur père à l’exception, bien sûr, des jours de disette financière. « Le Père Goriot » est, ainsi, aussi, l’histoire de la lente déchéance du personnage éponyme. À son désespoir moral de père, s’ajoutent sa pauvreté allant croissant et les quolibets des résidents de la pension Vauquer. Le vieil homme, de concessions en concessions à leurs caprices, se prive, se sacrifie car « Goriot ne discute pas, il ne juge pas ; il aime ».
Cet amour, bien plus profond que la force du lien filial, occupe toute la vie du vieux négociant. Comme lors des débuts d’un couple, tout ce qui n’est pas l’être aimé, n’existe simplement pas… dans son univers ! Sa passion immesurée le conduit à la folie.
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Le Père Goriot et la paternité
La langue foisonnante de Balzac donne une vision saisissante de son calvaire : « Le bon vermicelier de soixante-deux ans qui ne paraissait pas en avoir quarante, le bourgeois gros et gras, frais de bêtise, dont la tenue égrillarde réjouissait les passants, qui avait quelque chose de jeune dans le sourire, semblait être un septuagénaire hébété, vacillant, blafard. Ses yeux bleus si vivaces prirent des teintes ternes et gris de fer ; ils avaient pâli, ne larmoyaient plus, et leur bordure rouge semblait pleurer du sang. (…) Un soir, après le dîner, Mme Vauquer lui ayant dit en manière de raillerie : « Eh bien, elles ne viennent donc plus vous voir, vos filles ? » en mettant en doute sa paternité, le père Goriot tressaillit comme si son hôtesse l’eût piqué avec un fer. « Elles viennent quelquefois, répondit-il d’une voix émue. »
Et pourtant, quelle est belle son amour ! Il aime comme on devrait tous aimer, sans condition, sans rien attendre en retour. En lisant ce monument de Balzac, on ne peut s’effacer l’image de « La groupie du pianiste » du regretté Michel Berger, c’est beau comme il les aime ! Au seuil de la mort, il leur témoigne une tendresse bouleversante :
« Oh, les voir ! je vais les voir, entendre leur voix. Je mourrai heureux. (…) les voir, toucher leurs robes, ah ! rien que leurs robes, c’est bien peu ; mais que je sente quelque chose d’elles ! Faîtes-moi prendre les cheveux (…) Je les bénis ».
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Alors, pour la fête des pères, chassons toute froideur, inspirons-nous de cette piété, de cette hardeur de ce « Christ de la paternité ». Prends bien soin de toi, mon ami ! Et je te dis, à très vite !