En 1957, le traité de Rome instaurait la Communauté économique européenne. Près de 60 ans après, l’Union Européenne ne fait plus rêver : 32% des Européens voteraient oui à une sortie de l’UE. Terrorisme, populisme, immigration, faiblesse économique: l’Union Européenne enchaîne les crises. Jean-Claude Juncke, président de la Commission, parle plutôt de « polycrises ». L’Europe a-t-elle encore un avenir ?

 

Montée des eurosceptiques : une crise d’identité ?

En 2014, davantage d’eurosceptiques sont élus au parlement européen. Ils arrivent en tête comme en France, au Royaume-Uni ou au Danemark (140 députés europhobes, soit 90 de plus que sous la mandature précédente). Avec plus de 25% des suffrages, le FN, se place en tête d’une élection nationale pour la première fois depuis sa création. Le premier ministre, Manuel Valls qualifie le score du FN de « séisme politique ». Au Royaume-Uni, l’UKIP, parti pour l’indépendance qui milite pour le retrait du pays, affiche aussi une large victoire qui lui permet d’avoir 23 sièges d’eurodéputés (contre 9 précédemment). Le Danemark voit lui aussi l’élection du 25 mai marquée par une monté du parti populaire avec près de 27 % des voix. Score qui lui permet de doubler le nombre de ses eurodéputés par rapport au mandat précédent. L’AfD, le nouveau parti anti-européen allemand, créé en 2013, est l’un des nouveaux entrants. Le parti Démocrates Suédois, parti eurosceptique allié au FN, obtient 3 points de plus par rapport à l’élection de 2009. En Grèce, le parti néo-nazi Aube dorée devient la troisième force politique du pays.

Malgré la victoire des eurosceptiques, les partis europhobes ont des causes et enjeux différents et il reste difficile pour eux de créer une alliance.

 

Le choc historique du Brexit 

Le 23 juin 2016, les Britanniques votent à 51,89 % pour sortir de l’Union Européenne. « Pour la première fois, l’Union se construit par soustraction et non par addition » souligne Pierre Moscovici, commissaire européen à l’Economie. Pour l’ancien président tchèque Václav Klaus, ce jour « est une journée merveilleuse, le brexit (contraction pour Britain et exit) nous sauve du monstre bruxellois». Geert Wilders, chef du Parti pour la liberté aux Pays-Bas et Marine Le Pen demandent des référendums similaires. Le surlendemain, le commissaire européen britannique Jonathan Hill annonce sa démission. Federica Mogherini, Haute Représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, souhaite une « réflexion en profondeur » sur l’UE. Elle tente de réaffirmer son rôle en présentant une nouvelle stratégie globale de l’Union sur la politique étrangère et de défense commune. Une réunion en Slovaquie à Bratislava, réunit les 27 chefs d’états et de gouvernements pour une réflexion sur la poursuite du développement d’une Union à 27 pays. La Commission européenne propose des « ressources militaires communes », « un quartier-général unique », un fond pour stimuler la recherche et l’innovation dans l’industrie de la défense, et le renforcement de la protection des frontières extérieures. Bratislava est « un tournant décisif » pour Donald Tusk, président du Conseil européen. M. Juncker avoue n’avoir encore jamais vu « une telle fragmentation, et aussi peu de convergence dans notre Union ». Le départ du Royaume-Uni aura des conséquences également sur l’OTAN. La France et la Grande-Bretagne représentent 50% des capacités d’intervention des forces européennes. C’est actuellement un officier britannique qui est numéro 2 dans l’Organisation du traité de l’Atlantique nord. Après le brexit, tout pourrait changer, la France aurait proposé de prendre la place du Royaume-Uni.

Les conséquences économiques du brexit se font sentir dès le lendemain : le taux de change de la livre sterling passe de 1,31 € à 1,22 € en quelques heures. Les Bourses de Paris et Francfort ont ouvert en baisse de 10%. L’agence de notation Moody’s dégrade la note de la dette souveraine du Royaume-Uni en « perspective négative ». Mais quelques mois plus tard, les marchés financiers européens ont retrouvé leurs niveaux d’avant le référendum. Le Royaume-Uni a une économie fondée sur les services, la plupart des liens étant hors Europe. Reste que de nombreuses entreprises utilisent le Royaume-Uni comme porte d’entrée vers l’Europe, notamment la banque américaine JPMorgan. Il devrait donc y avoir des conséquences sur l’emploi. La Libre circulation des personnes pourrait également être remise en cause. Un visa serait nécessaire pour entrer. Les étudiants seraient les plus touchés car il deviendrait plus difficile pour eux de poursuivre leurs études sans le programme Erasmus.

La Première ministre enclenchera en mars 2017 la procédure de retrait. Theresa May prévoit également l’adoption d’une « grande loi d’abrogation » du droit européen au Royaume-Uni.

 

La crise des réfugiés : un défi pour l’Europe

Depuis 2011, la guerre, qui fait rage en Syrie, pousse des milliers de personnes à fuir. En 2015, plus d’un million de demandeurs d’asile arrivent en Europe et 3 millions sont attendus dans l’union en 2017. L’Europe peine à les accueillir. Les nombreux attentats (celui de Charlie Hebdo en 2015, du Bataclan, avec 130 morts et plus de 400 blessés et celui de Bruxelles avec 30 morts et plus de 300 blessés) a pour conséquences un projet européen véritablement ébranlé. L’UE renforce les contrôles aux frontières extérieures et réduit le nombre de demandeurs d’asile.

 

« L’euro a été un amortisseur de chocs économiques » Benoît Coeuré

Avec 20,4 millions de personnes sans emploi, le taux de chômage dans l’Union Européenne atteint 8,3% en novembre 2016. En septembre 2016, le taux de chômage passe sous les 10%, une première depuis quelques années. Le nombre de chômeurs a diminué de 1, 552 millions de personnes entre décembre 2015 et novembre 2016.

« L’euro a protégé les Français » explique Benoît Coeuré, membre du Directoire de la Banque Centrale Européenne. En 1999, le taux de chômage était plus élevé en Allemagne qu’en France. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Selon lui, le taux de chômage n’a rien à voir avec l’euro, il est lié au succès ou à l’échec des politiques de l’emploi.

 

 

Malgré ses faiblesses, l’Europe reste une grande puissance économique. Sa croissance est supérieure à celle des Etats-Unis en 2016. Elle est également la première exportatrice de services et l’Euro est l’une de deux monnaies les plus largement acceptées dans le monde.

La crise de l’Union Européenne est avant tout politique. L’Europe ne semble pas prête à prendre sa retraite.

 

Didier Mesgard