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Photo by Patrick Fore on Unsplash

 

Big Banguienne, Big Banguien ! Cher lecteur, mon seul bien !

 

Nous allons parler d’une promesse fort lointaine, celle de la paix pour les êtres humains. Et il faut bien se l’avouer, promouvoir l’idée de paix dans le contexte géopolitique actuel semble aussi vain que de vouloir ramener des légumes d’un magasin de boucherie.

 

Et c’est bien à cette lutte contre des moulins à vent que s’est confronté un grand auteur français, aussi pacifiste qu’on peut l’être. Il a même fait de cet horizon l’objet principal de sa vie d’écrivain et d’homme. Je parle bien entendu de Jean Giono qui, comme tous les jeunes gens de sa génération, est sorti traumatisé des grandes batailles qu’il a toutes faites.

 

Le traumatisme de la guerre

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Photo by British Library on Unsplash

 

Son expérience de la guerre, il ne la racontera, sans aucune romance, qu’en 1931 dans Le grand troupeau. Son objectif, y rendre la guerre, pour ce qu’elle est, une boucherie sans mythes ni héros, haïssable par les « images infernales », gravées, indélébiles dans sa mémoire. Car, comme il le dira à son ami d’enfance, fauché, comme tant d’autres sur le champ d’honneur, dans Jean le Bleu :

« Il n’y a pas de gloire à être français. Il n’y a qu’une seule gloire : c’est être vivant. (…) On t’a trompé et puis on t’a tué à la guerre. Qu’est-ce que tu veux que j’en fasse de cette France que tu as, paraît-il, aidé à conserver, comme moi ? ». Et de l’ennemi allemand, Giono en fait une égale victime car « On lui avait dit que les rivières s’appelaient « Allemagne » ».

 

Giono est contre la guerre, « contre toutes les guerres »… à tout prix ! Et, c’est là qu’à mon sens, le bas blesse. Car, lorsque l’on lit ses deux œuvres du début des années 30, comment être fondamentalement en désaccord avec le pacifiste de Manosque ? Pourtant, en 1934, il s’oppose à l’arrestation des communistes allemands mais continue à lutter contre l’armement induit par le pacte franco-soviétique de l’année suivante… alors qu’Hitler lui-même remobilise son armée en vue de l’expansion territoriale des aryens.

 

Giono et sa naïveté du pacifisme

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Photo by Egor Myznik on Unsplash

 

Concernant la naïveté de son pacifisme, le pire à venir date de l’époque des accords de Munich. Rappelons les faits, au printemps 1938, Hitler menace la Tchécoslovaquie pour rattacher la région tchèque germanophone des Sudètes au Reich allemand. En septembre, la tension est à son comble, l’Angleterre et la France abandonnent la Tchécoslovaquie à son sort et laissent Hitler amputer le pays des Sudètes. A ce compromis honteux, Giono répondra, « Je n’ai honte d’aucune paix. J’ai honte de toutes les guerres », et demandera même au Président Daladier de prendre « immédiatement l’initiative d’un désarmement universel ». Il sera pacifiste jusqu’au bout et… forcément, de plus en plus seul jusqu’à l’invasion du pays.

 

De là, date sa rupture avec toute une partie de la société et du monde littéraire lui reprochant son pacifisme, alors Giono se retire du monde dans les faits comme dans ses livres.
Le six septembre 1944, il dit :

« Besoin plus que jamais de solitude, de montagne, de silence et de paix. Rien de ce que je vois ne peut me faire aimer l’homme et la société, et le tumulte vain des entreprises où se dévore inutilement l’énergie et la force. (…) Pour moi en tout cas, je serais au comble du bonheur dans une hutte montagnarde (…). A des kilomètres de tout civilisé, journal, radio ou quoi que ce soit de semblable ».

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Deux ouvrages symbolisent le retour de Giono à l’écriture romanesque, tragique, certes, mais ironique. Dans Le hussard sur le toit, Angelo est un héros tragique, un sauveteur voué à l’échec puis à la hantise de ses congénères. Les humains de ce roman sont, face à la mort, au choléra, des loups pour les autres, et seule la fuite avec Pauline, donnera au héros la simplicité du bonheur.

 

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©www.gallimard.fr

 

Poursuivons sur l’idée de fuite, constante chez Giono avec L’homme qui plantait des arbres. Il s’appelle Elzéard Bouffier, un modeste mais inlassable planteur de chênes, berger solitaire, et bienfaiteur désintéressé de sa région perdue des Alpes. La forêt de chênes, que patiemment il créa, apporte la vie, l’eau et l’ombre à ses compatriotes. Une seule ombre à ce tableau idyllique, tout cela s’est passé pendant l’Occupation.

 

Alors, toutes les questions morales que posent la vie et l’œuvre de Giono se trouvent, ici, concentrées en une seule : face à l ‘envahisseur, faut-il planter des arbres ou se battre ?

 

Prends bien soin de toi, mon ami, et je te dis à très vite !