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Photo by Patrick Tomasso on Unsplash

 

Chers Big Banguiennes, Big Banguiens !
Cher lecteur, mon seul bien !

 

Lundi 11 octobre est la journée internationale des filles. Pour cette occasion, je vais vous parler d’Emile Zola et de l’opus de sa gigantesque série des Rougon-Macquart, « Au Bonheur des Dames ». Et plus particulièrement, de l’héroïne de cette œuvre, Denise Baudu, 20 ans.  En quoi le thème du jour rejoint-il le récit des malheurs de cette jeune orpheline débarquée de province dans la capitale avec ses deux frères devenus, par piété filiale, ses propres enfants ? C’est ce que je vous propose de voir aujourd’hui.

 

Car, si Emile Zola n’est évidemment pas un auteur féministe, de part le monde et les souffrances dont il rend méticuleusement compte, « Au Bonheur des Dames » inventorie les injustices et sévices endurées encore aujourd’hui par tant de jeunes femmes à travers le monde, y compris dans notre pays.  Découvrez le portrait de Denise Baudu, symbole encore actuel des inégalités hommes-femmes.

 

La charge mentale des femmes

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Photo by Ömer Karakus on Unsplash

 

Partons du plus évident, Denise, ayant perdu coup sur coup sa mère et son père, se retrouve responsable de ses deux frères et, son salaire à la maison Cornaille étant insuffisant, quitte Valognes pour Paris.
 
Jean, 16 ans, entre en apprentissage, mais coureur de jupon invétéré, il crèvera, pour les beaux yeux de ses maîtresses, le maigre budget familial.
 
Pépé est un jeune garçon tendre et fragile, placé en nourrice, aux bons soins de Mme Gras. L’oncle et la tante Baudu, incarnation parmi tant d’autres de la déperdition du petit commerce face aux grands magasins, n’ayant pas les moyens de l’employer, Denise se retrouve à postuler, avec fascination et appréhension, comme vendeuse chez l’ennemi de sa famille, le grand magasin « Au Bonheur des Dames ». C’est bien ce que l’on appelle aujourd’hui une terrible charge mentale » de chaque jour, comment nourrir sa famille ? Tout en culpabilisant que Jean et Pépé vivent « chez des étrangers, eux qui n’avaient jamais quitté ses jupes ; c’était un arrachement, et les deux grosses larmes qu’elle retenait faisaient danser la rue dans un brouillard »
La suite de ses aventures ne sera malheureusement qu’une suite de mépris. Le premier auquel elle fait face vient de ses collègues féminines.

 

Voici, la scène d’embauche de Denise : « ces demoiselles avaient flairé la vendeuse qui venait se présenter, et elles la dévisageaient, elles la déshabillaient du coin de l’œil, sans bienveillance, avec la sourde hostilité des gens à table qui n’aiment pas se serrer pour faire place aux faims du dehors. »

 

La pauvreté de sa mise sera toujours le sujet du dédain parisien de ses collègues et bourgeois des clientes. Le second mépris est physique, Denise ne correspondant pas à la beauté exigée : « elle paraissait bien chétive et elle avait le visage triste. Sans exiger des filles belles, on les voulait agréables, pour la vente ». Ses supérieurs l’étudiaient et « la pesaient comme une jument que des paysans marchandent à la foire ».

 

Le #MeToo des années 1860

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Photo by Mihai Surdu on Unsplash

 

Mais avant tout, le Second Empire est le temps du capitalisme florissant… et dérégulé, sans protection sociale.
Ainsi, Denise est écrasée par un système de compétition généralisée entre les vendeurs. Leurs salaires fixes est dérisoire, voire inexistant pour les nouveaux, leurs rémunérations se fait donc par un pourcentage sur les ventes qu’ils réussissent. Denise, inexpérimentée dans le magasin, vendra aussi peu qu’elle gagnera d’argent.
 
Enfin, si les violences visant les femmes ont été mises en lumière par le mouvement #MeToo, Denise en est elle aussi la victime avec un abus de pouvoir. Responsable de la surveillance des employés, il lui proposera son soutien contre des faveurs. La prude honnêteté de Denise lui coûtera, une première fois sa place.
 
Vois-tu, cher lecteur, les violences contre les jeunes femmes n’ont guère changé entre ces années 1860 et notre glorieuse modernité… Alors, visons, entre nous, une paix harmonieuse ! Prends bien soin de toi, mon ami, et je te dis à très vite !