Les Etats-Unis entre mythes et réalité : le cinéma de Terence Malik
Posté le 3 septembre 2021 dans articles tableau de bord par Vincent.
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Big Banguienne, Big Banguien,
Cher lecteur, mon seul bien !
Et rebelote, encore une émission consacrée à nos grands frères américains. Une répétition très significative de cette répulsion-fascination envers les Etats-Unis, notre miroir en Europe de l’Ouest de tous nos dysfonctionnements se transformant en extrêmes, Outre Atlantique.
Les Etats-Unis et le mythe de la Terre d’abondance
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J’ai modestement tenté de retracer dans mes diverses chroniques les grands mythes-fondateurs de la Nation états-unienne. Et revenons sur l’un d’eux, celui d’une Terre suffisamment abondante pour nourrir tous ses enfants. L’Ouest illimité serait la récompense de l’immigrant. C’est le premier aspect du mythe, et toute la puissance des Etats-Unis des origines était dans cette perspective de richesse, de liberté économique par la conquête de terres nouvelles Depuis l’achèvement de la maîtrise du continent et l’urbanisation industrielle, ce rêve s’est effondré de lui-même dès les années 30 avec les magistraux « Raisins de la colère » de Steinbeck.
La méritocratie : les prémices de l’american dream
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Le second thème est la méritocratie, le travail des plus humbles nécessairement récompensé. Il est donc le Rêve américain tout entier où toute personne, s’acharnant dans ses efforts, parviendra à son idéal, la propriété d’un lopin de terre suffisant à faire vivre sa famille. Dans cette image, la Nature est aussi abondante, sauvage, fascinante qu’elle est donc, pour les humains, à domestiquer. Alors, les ouvriers agricoles et autres petits propriétaires ont fait les grandes régions agricoles du pays, cultures et pâturages ont été les mamelles de ce nouveau système économique. Tout le problème est que la méritocratie nécessite un accès à tous à la propriété et, surtout, que la réussite de chacun dépend de ses efforts. Ce rêve, même, est battu en brèche aujourd’hui, les inégalités galopantes et la propension américaine à enrichir quelques-uns en laissant la plupart au bord de la route ayant effacé l’espoir que le travail paye.
Ces idéaux de Nature illimitée et de travail récompensé sont la fameuse pastorale américaine, une Terre abondante domestiquée par l’Homme. Et quoi de mieux que le cinéma américain pour déconstruire les mythes fondateurs de sa propre patrie ?
Terence Malik et « Days of Heaven » : déconstruire les mythes
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Alors arrêtons-nous en l’année 1978, à la veille de la révolution conservatrice et individualiste de Reagan, le futur grand réalisateur Terence Malik sort son deuxième opus, « Days of Heaven ». Nous sommes en 1916 et les premières images sont celles de l’Amérique industrielle naissante, l’obscurité et le bruit assourdissant des forges. Un trio fuit la ville infernale, Bill, interprété par la future célébrité Richard Gere, sa compagne Abby et sa jeune sœur Linda.
Et ils partent rejoindre l’Amérique des pionniers, celle des grandes plaines lumineuses du Texas avec l’espoir de sortir de la misère avec l’idéal pastoral, pour les ouvriers agricoles posséder la terre qu’ils exploitent pour le compte d’un autre. Ce rêve conduira Bill à se faire violence contre l’élite des grands propriétaires forcément blancs, anglo-saxons et toujours gagnants avec l’appui d’une police aux ordres. Terrence Malick, adepte de la contemplation esthétique à la façon des peintures de Hopper et avare en dialogues, nous guide par la voix off de la jeune Linda dans une critique de la pastorale américaine, cet idéal de prospérité terrienne commune rendu impossible par l’inégal accès à la propriété.
Ce film, d’abord critiqué pour l’opacité de son scénario et l’originalité de son montage, sera ovationné, pour les mêmes raisons, lors de l’édition 2015 du festival de Deauville en hommage au cinéma de Malick célébrant un paradis illusoire.
Les Etats-Unis sont un fantastique paradoxe. Patriotes orgueilleux de leur idéal pastoral, ils ont pourtant produit des générations de cinéastes usant des procédés technologiques tout américains pour questionner et mettre en scène la déliquescence de leurs mythes-fondateurs. Prends bien soin de toi mon ami, et je te dis à très vite !