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Photo by Luis Vidal on Unsplash

 

Big Banguienne, Big Banguien,
Cher lecteur, mon seul bien !
 
Les chats ne sont pas rancuniers. C’est ce que je me dis chaque fois que je croise un spécimen de cette espèce. Cela arrive de façon très régulière, partageant mon foyer avec deux de leurs semblables. Je disais donc que les chats n’étaient pas rancuniers car, d’une part, leur noblesse et leur pragmatisme leur interdit ce sentiment aussi vulgaire qu’inutile. Et, d’autre part, ils nous côtoient et nous font profiter du seul amour, dont ils soient capables, désintéressé alors que nos ancêtres pouvaient, au mieux, les tenir à l’écart et, au pire, les persécuter.

 

Les chats noirs : un personnage récurrent en littérature

Je parle là particulièrement des chats noirs qu’une ancestrale tradition populaire associait à des sorcières déguisées. Ce thème m’est d’autant plus cher que j’héberge un chat, une femelle à l’épaisse et douce fourrure aussi noire que le plumage du corbeau. Bien sûr, cette chronique lui est dédiée car je m’en vais te parler de deux chats noirs, personnages principaux d’une nouvelle d’Edgar Allan Poe, sobrement intitulée « Le chat noir », bien entendu !

 

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Photo by Maksim ŠiŠlo on Unsplash

 

Le Chat noir d’Edgar Allan Poe

 

Il faut bien, cher lecteur, me faire, pour toi, préventeur. Car oui, cette nouvelle est, à tous égards, la plus sombre du répertoire de Poe tant l’enchaînement des évènements qu’il y rapporte est glaçant… Dès lors, tout l’enjeu, et non des moindres, pour le lecteur est de se détacher de cette première impression d’horreur pour en saisir le sens moral, philosophique et politique.

 

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Le Chat noir d’Edgar Allan Poe aux éditions Etonnants Classiques

 

La première thèse de cette nouvelle est, d’après moi, le constat, profondément rousseauiste, que la nature humaine tend, avant toute autre motivation, vers la bonté, la générosité et l’affection. En témoigne, la sensibilité aiguë que se prête, dès l’enfance, le narrateur. Ce bon caractère, épargné de toutes les vicissitudes, l’amène à fréquenter des compagnons qui incarnent le plus fidèlement cette nature, les animaux. Et, à cet égard, Poe nous livre de belles lignes sur leur affection.

« J’étais particulièrement fou des animaux, et mes parents m’avaient permis de posséder une grande variété de favoris. Je passais presque tout mon temps avec eux, et je n’étais jamais si heureux que quand je les nourrissais et les caressais. (…) Pour ceux qui ont voué une affection à un chien fidèle et sagace, je n’ai pas besoin d’expliquer la nature ou l’intensité des jouissances qu’on peut en tirer. Il y a dans l’amour désintéressé d’une bête, dans ce sacrifice d’elle-même, quelque chose qui va directement au cœur ».

 

Le chat noir : symbole de la culpabilité des humains

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Photo by Artyom Kabajev on Unsplash

 

Et puis, comme certains de notre espèce, son caractère, sous l’effet de l’alcool, se dégrada jusqu’à la violence. Sous cette emprise diabolique, ses accès de fureur touchèrent d’abord son épouse puis ses animaux de compagnie, et enfin, son « préféré », son « camarade », le chat noir nommé Pluton. La dégénérescence de sa nature n’a donc été complète que lorsqu’il a touché celui qui incarnait le mieux son caractère d’antan, le meilleur de ce qu’il fut.

 

Et là est la seconde thèse de la nouvelle, les chats noirs y incarnent, dans bien des détails extraordinaires, la culpabilité du narrateur. C’est, parce qu’ils lui montrent sa grandeur passée et sa perversité d’aujourd’hui, qu’il souhaite les éliminer. Pluton puis un autre chat noir à l’étrange tâche blanche incarnent ici la justice persécutée, celle des animaux, celle de la nature. Et, pour une fois, cette justice punit à la fin, l’humanité l’emporte par les chats que le narrateur avait voulu effacer dans un épilogue spectaculairement intense.

 
Intense, je te laisse sur cet adjectif, qualifiant ce stupéfiant objet littéraire. Prends bien soin de toi, mon ami, et je te dis à très vite !