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Photo by Tom Pumford on Unsplash

 

Big Bangienne, Big Bangien,

Cher lecteur, mon seul bien !

“Si l’on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne peut s’exprimer qu’en répondant : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi »”.

Ainsi, parlait Montaigne de La Boétie, de leur amitié, de leur amour réciproque. Et quand on observe cette tendresse entre les deux philosophes les plus célèbres de la seconde moitié du XVIème siècle, les temps des affrontements civils religieux. Notre première réaction est la stupéfaction. Quoi !? Montaigne le tempérant, ami avec La Boétie, le révolté ? Quel paradoxe…

 

Une amitié intellectuelle

Et pourtant, leur amitié était, tels les philosophes antiques, professionnelle, au sens où elle était intellectuelle. Ainsi, leur rencontre vient de l’écriture en 1548 de l’unique œuvre connue de La Boétie, le célébrissime « Discours de la servitude volontaire ». Non encore publiée, l’œuvre parvient malgré tout à pénétrer le milieu clos du Parlement de Bordeaux où les deux hommes officient comme magistrats.

 

A sa lecture, Montaigne est subjugué par la réflexion subversive de ce jeune homme de 19 ans alors, déjà connu pour ses brillantes études de droit. Montaigne est, d’emblée, séduit par son apologie de la liberté consacrée nature de l’Homme comme elle l’est des animaux, tout le monde peut le constater dans son foyer.

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Photo by Giammarco on Unsplash

 

Le servitude volontaire et la désobéissance

Mais comment expliquer qu’un chat fuit dédaigneusement toute contrainte, alors que l’homme cède sa liberté, se soumet à son roi ? Là est début d’une tyrannie contraire à la nature. L’explication de La Boétie, c’est « la servitude volontaire », la force des coutumes. Ces manières, transmises par les ancêtres, partagées par les contemporains, d’être, de penser, d’agir, sont plutôt celles de ne pas agir, de se contenter de ce que l’on a, de ne pas chercher au-delà, de comparer son sort à celui d’un voisin moins enviable. Sa solution, celle de Montaigne, est pacifique, son principe est la désobéissance, sa méthode est la lutte individuelle. Dans son for intérieur, tout être humain peut choisir de ne plus coopérer avec son roi et ses sbires et, ainsi, opérer sa libération.

 
Cher lecteur, te reconnaîtrais-tu dans un de ces portraits ? Ou reconnaîtrais-tu les traits dominants de notre temps ? Ne t’offusque pas de ta réponse car c’est fait pour… Le discours est une œuvre, plus qu’actuelle, éternelle en cela qu’elle suscite, chez nous citoyennes et citoyens du XXIème siècle, les mêmes réactions passionnelles que celles de nos ancêtres, allant du rejet quoique violent incertain à la rage du désespoir.

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Portrait de La Boétie (1530-1563)

 

Une amitié motivée par la liberté et le rejet de l’autorité

La voilà, cette amitié intellectuelle. Tu me diras que partager une passion pour la liberté et une répulsion pour toute autorité, c’est déjà un grand pas dans une fraternité humaine.

 

Mais leur relation va bien au-delà, elle est une fusion des âmes, telle que la seule présence de l’autre suffit à remplir toutes les attentes du cœur alors que son absence le laisse orphelin d’une moitié. Une telle exigence, une telle jouissance dans une relation humaine, c’est l’Amitié, « dernier degré de perfection de la société ». C’est l’expérience, l’aboutissement d’une vie que peu d’entre nous accomplirons et Montaigne, seul survivant du couple depuis 1563, le savait mieux que personne :

« Cette amitié, que nous avons nourrie, tant que Dieu a voulu, entre nous, si entière et si parfaite, que certainement il ne s’en lit guère de pareilles et (…) c’est beaucoup si la fortune y arrive une fois en trois siècles. (…) Ma vie n’est qu’une nuit obscure et ennuyeuse. Depuis le jour que je le perdis, je ne fais que traîner languissant ».

Cet exemple est tel le soleil, impossible à contempler. Le chemin est long mais qu’il est beau ! Prends bien soin de toi, mon ami, et je te dis, à très vite !

 
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Montaigne, Les Essais aux éditions Robert Laffont, collection Bouquins