Folie, handicap et Histoire dans la littérature : le cas de Günter Grass
Posté le 23 juin 2021 dans articles tableau de bord par Vincent.
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Big Bangienne, Big Bangien !
Cher lecteur, mon seul bien !
La vie quotidienne avec un handicap s’apparente aux douze travaux d’Hercule sans autres divinités qu’une insatiable volonté de vivre comme tout un chacun. Le résultat en est un indéniable isolement, une solitude du seul fait de leur inadéquation face aux normes dominantes forcément excluantes de notre société.
Oscar Matzerath dans « Le Tambour »
Couverture du roman de Günter Grass aux éditions Seuil
Günter Grass, écrivain allemand aussi grand que clivant, nous offre un autre regard. Et si cette solitude du handicap était volontairement recherchée ? Ce regard est incarné dans son grand chef d’œuvre, Le Tambour, par le personnage Oscar Matzerath. A l’âge de trois ans donc, Oscar décide de ne plus grandir, alors pourquoi ?
« pour n’être pas à l’âge dit adulte, un mètre soixante-douze, livré à un homme qui, debout à se raser devant la glace, se nommait mon père ; pour n’être pas contraint de reprendre une boutique qui, selon le vœu de Matzerath, devait signifier pour un Oscar majeur l’univers des adultes. Pour ne pas faire sonner un tiroir-caisse, je me cramponnai au tambour et à partir de mon troisième anniversaire je ne grandis plus d’un doigt ; je restai l’enfant de trois ans, mais aussi de trois sagesses, que surplombaient tous les adultes, qui ne voulait pas mesurer son ombre à leur ombre, qui était parfaitement achevé au-dedans comme au dehors. Alors que ceux-là, les adultes, ne font jusqu’à la vieillesse que rabâcher l’histoire de leur développement, je fus l’enfant qui comprit tout seul ce qu’ils n’apprennent qu’avec tant de peine, souvent dans la douleur, au fil de leur expérience ; l’enfant qui, pour démontrer que quelque chose grandissait, n’avait pas besoin de porter chaque années des chaussures et des culottes plus grandes. »
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Mais comment orchestrer l’évènement expliquant cet arrêt de croissance ? De nouveau, Oscar a un plan diaboliquement crédible :
« J’eus besoin en tout cas d’une minute pour comprendre ce qu’exigeait de moi la trappe de notre cave-entrepôt. Par Dieu, pas un suicide ! C’aurait été vraiment trop simple. L’autre hypothèse cependant était pénible, douloureuse, demandait un sacrifice (…) du haut de la neuvième marche je me jetai, entraînant dans ma chute un rayon plein de bouteilles de sirop de framboise, la tête la première, sur le sol cimenté de notre cave-entrepôt. »
Son premier méfait accompli, le nain Oscar trouve un autre moyen de s’écarter du monde des adultes. Avare de parole et mimant volontiers un retard mental, il se trouve un autre moyen d’expression, que dis-je une quasi-prothèse…
Le tambour ou le syndrome de Peter Pan
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« La capacité d’établir au moyen d’un tambour d’enfant en tôle peinte une nécessaire distance entre moi et les adultes mûrit peu après ma chute de l’escalier dans la cave, en même temps que prenait du volume une voix capable de soutenir une note si haute et si stridente (…) que personne n’osait me prendre mon tambour qui pourtant lui fripait les oreilles ; car si on me prenait mon tambour je criais, et quand je criais, un objet de prix volait en miettes : mon organe était en mesure de briser le verre. »
Son tambour et son cri vitricide sont ses moyens d’impacter les personnes qui l’entourent. Citons, ses vitrines de magasins qu’il brise pour susciter les vocations de voleurs chez un procureur impitoyable. Admirable passage sur ce meeting nazi qu’il sabote en tambourinant des airs de valse, de charleston, de fox-trot.
L’histoire d’une solitude volontaire dans un style foisonnant, éblouissant. Le Tambour de Günter Grass est un monde à découvrir ! Prends-bien soin de toi, mon ami, et je te dis, à très vite !