« L’Arbre-monde » de Richard Powers : l’arbre et le vivant, survivre à l’Homme
Posté le 9 juin 2021 dans articles tableau de bord par Vincent.
Big Banguienne, Big Banguien,
Cher lecteur, mon seul bien !
Ensemble des éléments constitutifs du paysage naturel ou du paysage artificiellement crée par l’Homme. Telle est la définition, donnée par le dictionnaire Hachette, du mot nous rassemblant ce soir, l’environnement. « Artificiellement crée par l’Homme », cette expression dit toute la pertinence de la notion d’environnement à l’ère de l’anthropocène. L’hubris de se croire, à ce point, indispensable qu’on se persuade que la Nature, une forêt, des arbres ont besoin de notre sagace et lucrative intervention pour que s’y développe une vie organique « belle et utile ».
©Livresselitteraire.com – Editions Cherche Midi
La perversion de l’Homme sur la nature
Rarement cette perversion n’a été mieux mise en lumière que dans les nouvelles de « L’arbre-monde » de Richard Powers. Parmi les neuf personnages, le choc vécu par Douglas Pavlicek, vagabond solitaire et estropié du Vietnam, nous en dit plus sur notre rapport aux arbres que n’importe quelle conférence savante. Errant dans les immensités arborées des Rocheuses :
« Sur ces crêtes, il pourrait pisser en plein milieu de la chaussée et l’humanité n’en saurait rien. (…) Et c’est alors, la bite en berne, le regard tourné vers la nature sauvage, en attendant que sa vessie lève le blocus, que Douglas Pavlicek voit des pans de lumière entre les troncs, là où il ne devrait y avoir qu’ombre jusqu’au cœur de la forêt. (…) Un désert de souches s’étend devant lui. Le sol saigne en terril rougeâtre mêlé de sciure et de brûlis. Dans toutes les directions, à perte de vue, ça ressemble à une gigantesque volaille plumée. »
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Le constat d’un désastre environnemental causé par l’Homme
Arrivé en ville et voulant voir de ses yeux le désastre de haut « Douglas convertit une immense tour de dollars d’argent en balade à bord d’un petit avion à hélices. » Faîtes-moi faire le plus grand cercle possible pour ce prix-là. Je veux savoir à quoi ici ressemble vu de là-haut. » Ça ressemble au flanc rasé d’une bête malade qu’on va opérer. Partout, dans toutes les directions. Si on montrait cette vue à la télé, les bûcherons seraient au chômage dès demain. De retour à la surface trompeuse de la planète, Douglas passe trois jours sur le canapé de son pote, mutique. »
Tel Lénine, il se pose alors la question incontournable face à l’impuissance, que faire ? Sa réponse ? « Il loue sa jambe et demie valide à un entrepreneur, pour replanter des semis sur les terres dépouillées. ». Colibri, jusqu’au bout de ses maigres forces, il fait sa part. Quant à la morale, elle est une misanthrope espérance :
« Douglas Pavlicek replante une clairière aussi vaste que le centre-ville d’Eugene, et salue chaque plant qu’il borde affectueusement. Tenez bon. Il suffit de tenir un ou deux siècles. Pour vous, les gars, c’est un jeu d’enfant. Il suffit de nous survivre. Alors il n’y aura plus personne pour vous emmerder. »
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Écoutons le scientifique Richard Powers à travers la voix d’une de ses personnages, une collègue :
« Rendre la forêt plus saine. Comme si les forêts avaient attendu quatre cents millions d’années qu’une espèce néophyte vienne les guérir. »
L’Homme est un animal social, dit-on… Alors, reconsidérons les arbres :
« Les acacias préviennent d’autres acacias des girafes en maraude. Les saules, les peupliers, les aulnes : tous sont surpris à s’avertir mutuellement par voie aéroportée des invasions d’insectes. (…) Il n’y a pas d’individus. Il n’y a même pas d’espèces séparées. Tout ce qui est dans la forêt est la forêt. (…) Les arbres ne se battent pas plus que ne se battent les feuilles d’un même arbre. »
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« Un chœur de bois vivant chante » à nos « oreilles » : Si ton esprit était seulement un peu plus vert, nous te noierions de vérité. » Alors, cette vérité, lis-là dans « L’arbre-monde » de Richard Powers ! Prends bien soin de toi, mon ami, et je te dis à très vite !