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Photo by Prateek Katyal on Unsplash

Big Banguienne, Big Banguien,
Cher lecteur, mon seul bien !
 
Très difficile, pour nous, de se souvenir
En ces temps, peu propices, à l’avenir,
Qu’insouciant pouvait être le plaisir !
Sans entrave, s’assouvissait le désir,
Les danseurs n’avaient qu’à s’unir !
Leur cœur était, pour chacun, à ravir !
 

Fantastique est notre époque… Oui, ce que nous sommes en train de vivre, cette distanciation sociale dans nos sociétés d’abondance, est un cas unique dans l’histoire.

 

Je m’en vais donc te parler d’un tout autre monde, celui de la fin du XVIIIème siècle, les sciences sont au plus haut sous l’impulsion des Lumières. La littérature, ses adorateurs restent une minorité de lettrés, le romantisme connaît ses premières lueurs. En ce temps-là, pas de concerts géants mais de modestes bals champêtres, pas de Levy ou de Bussi comme têtes d’affiche littéraires mais de grands auteurs, poètes ou philosophes, accomplis ou en devenir, Rousseau et Goethe.

La danse et le sentiment amoureux

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Photo by David Hofmann on Unsplash

 

Le thème de la danse, parlons-en enfin, dans son lien avec le ravissement amoureux. Œuvre préromantique par excellence, Les souffrances du jeune Werther, premier roman du jeune Goethe, illustre cette association sentimentale entre une pratique toute technique, esthétique et l’Emotion humaine par essence, l’Amour.

 

Partons de la pensée de Roland Barthes sur cet obsédant sentiment. C’est dans Fragments d’un discours amoureux, qu’il l’analyse à partir du roman de Goethe. Pour désigner la naissance du sentiment amoureux, le philosophe utilise le terme de « ravissement ». Et cela, le héros de Goethe, le jeune Werther, le ressent dans toute son âme. Dans l’oisiveté de sa retraite campagnarde, il va faire la rencontre bouleversante de son existence.

 

Son cœur était prêt à chavirer dans l’ivresse mais, contrairement à Barthes, je dirais que Werther n’a pas choisi Charlotte, celle-ci s’est imposée à lui dans une scène admirablement décrite de partage du pain à ses huit frères et sœurs. La suite de son ravissement envers la jeune femme est celle d’une immobilité émerveillée face à la beauté, à l’éloquence de Charlotte dans le trajet vers le bal champêtre.

La danse : expression des émotions chez le jeune Werther

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Photo by Thomas AE on Unsplash

 

La première allusion à la danse viendra d’elle, « Que cette passion soit un défaut ou non, je vous avouerai franchement que je ne connais rien au-dessus de la danse. Quand j’ai quelque chose qui me tourmente, je n’ai qu’à jouer une contredanse sur mon clavecin, d’accord ou non, et tout est dissipé. ». Et précisément face à son admiration passive, la scène de la danse offre au lecteur un saisissant contraste.
 
Le jeune Werther n’a d’yeux que pour Charlotte, son rêve, quitter sa décevante partenaire pour danser une contredanse, une valse avec l’être aimé. La première danse décrite par Goethe, comme le veut la tradition, est le menuet, pas classiques et simples se jouant à deux. Les autres danses sont désignées par leurs nations d’origine. L’anglaise est la contredanse en colonnes d’hommes et de femmes, l’allemande la valse intime où Werther vivra l’apogée de son ravissement.

« On commença l’allemande. Nous nous amusâmes d’abord à mille passes de bras. Quelle grâce, que de souplesse dans tous ses mouvements ! (…) Jamais je ne me sentis si agile. Je n’étais plus un homme. Tenir dans ses bras la plus charmante des créatures ! voler avec elle comme l’orage ! voir tout passer, tout s’évanouir autour de soi ! sentir !… (…) je fis alors le serment qu’une femme que j’aimerais, sur laquelle j’aurais des prétentions, ne valserait jamais qu’avec moi, dussé-je périr ! »

Je ne dévoilerai pas la suite de cet amour naissant. Un seul indice des Rita Mitsouko, « Les histoires d’amour finissent mal en général ». Prends bien soin de toi, mon ami, et je te dis à très vite !