Quel métier que celui de chroniqueur ! Des mots, il n’est que l’humble assembleur et pourtant, il peut se retrouver équilibriste ! Face au fatal péril de se révéler polémiste, un souci de recul historique sera la gageure d’une honnêteté nuancée car réaliste : parler des Etats-Unis conduit au hors-piste !

 

Nous le savons, « la neutralité est un mensonge » ! Ce piège, j’espère l’avoir évité pour le passionnel Brexit. Alors, continuons sur ce chemin de crête avec les Etats-Unis. Leurs tourments identitaires ne sont pas nouveaux, les blessures de la Guerre de Sécession se rouvrent sur fond de crise sociale et politique. Alors, peut-on encore parler de pays pour désigner nos troubles alliés ?

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Partons des origines : « Qu’est-ce qu’une nation ? », la question est posée par Ernest Renan dans sa conférence de la Sorbonne. Sa réponse : « Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage que l’on a reçu ».

 

Cher auditeur, constatons que les américains ne partagent ni une vision commune de leur passé ni une volonté de vivre ensemble. Le suprémacisme blanc et, à l’inverse, une idéologie considérant le racisme comme indépassable, inscrit dans l’ADN national.

 

Ces camps s’opposent sur les bases de l’identité américaine, les mythes fondateurs. Ils remontent aux premières colonies anglaises en Amérique à partir de 1607 et la fondation de Jamestown. Cette première colonie voit se dérouler l’histoire de Pocahontas romancée par Disney mais symbolisant en réalité l’acculturation des Amérindiens. En effet, elle est emprisonnée par les colons de Jamestown et forcée à adopter le mode de vie anglais. Elle épousera un colon anglais, un certain John Rolfe, et partira en Angleterre où Pocahontas est exposée à la Cour comme une curiosité exotique. Pocahontas raconte cette minimisation des crimes colonialistes pour créer une légende nationale unificatrice.

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L’histoire se prolonge en 1619, John Rolfe est alors secrétaire de Jamestown et note l’arrivée d’une vingtaine d’esclaves noirs, première trace d’esclavage aux Etats-Unis. Cet évènement est le sujet du projet 1619 du New York Times pour inscrire l’esclavage au cœur de l’histoire des Etats-Unis.

 

Trump dénonce ce projet comme antipatriotique. Je m’attarderai pas plus sur le cas du futur ex-président, des intellectuels ont donné des armes à ce réflexe chauvin. En effet, un article y affirme que l’une des motivations de l’Indépendance était le souci des colons de conserver leurs esclaves. Rappelons que leur révolte n’a pas de motivation raciale mais fiscale pour s’élargir à une protestation contre l’absence de représentants des colonies au Parlement avec le slogan « No taxation without representation ».

 

La guerre culturelle actuellement à l’œuvre oppose deux extrêmes, les chauvins négationnistes d’un côté et des racialistes peu scrupuleux de l’autre. Pourtant, une ancienne devise des Etats-Unis, « E pluribus unum », symbolise l’exigence politique du moment, « l’union par la diversité ».

 

Vivre ensemble et égaux, le rêve de Luther King n’a jamais paru aussi inaccessible : « Un jour, notre pays vivra pleinement la véritable réalité de son credo : Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux ».