Célibataire, un mythe littéraire
Posté le 7 novembre 2020 dans articles tableau de bord par Vincent.
Célibataires épanouis ! Célibataires aigris ! Cette chronique s’adresse à toutes les catégories, dont on affuble ces chers êtres solitaires. Figures dominantes de nos sociétés modernes. Si la solitude, de nous autres citadins, peut être un calvaire, nos vies, à coup sûr, peuvent être moins ternes !
Nous allons parler, pour cette « journée des célibataires », d’un genre méconnu de la littérature de la fin du XIXème siècle. Le « roman célibataire » est à mettre évidemment dans les annales de la belle langue française. Elle a dessiné une figure qui, si elle a un aspect fascinant, paraît désespérante. Celle du célibataire endurci, misogyne et solitaire associée au mythe de l’« esthète flamboyant ».
Huysmans en est le plus illustre représentant. Ne disait-il pas que « personne plus que moi ne s’est mis dans ses livres ». En effet, à rebours d’un Proust défendant qu’une œuvre est le reflet de l’imagination de l’artiste et non de son existence. Huysmans raconte, à travers ses personnages, sa vie de sous-chef du bureau des casinos, cercles et jeux à la direction de la Sureté générale, celle d’un vieux garçon de 30 ans bouffi d’habitudes et ruminant ses aigreurs.
Pendant la seconde moitié du XIXème siècle, la littérature française est écrasée par le courant du naturalisme, représenté par le brillant Emile Zola. Huysmans, dans cette histoire, occupe une place fondamentale. Disciple de Zola, Huysmans, d’après les mots mêmes de son maître, porte « un coup mortel au naturalisme » avec la publication en 1884 de son roman « A rebours ». A l’opposé du naturalisme qui ne voit dans les émotions que les résultats d’instincts et de conditionnements, Huysmans, dans la lignée des symbolistes, traite les sentiments comme des quêtes de rêverie et de spiritualité.
Pour nous autres confinés contraints, le personnage central d’« A rebours », Des Esseintes, peut nous parler assurément. En effet, il se confine volontairement, se retire du monde des hommes pour assouvir ses passions pour l’art et la littérature dans son paradis de Fontenay-aux-Roses. Sans surprise, Huysmans est lui-même ce solitaire esthète sans pour autant assumer la radicalité d’une rupture envers le monde.
Continuons sur cette figure du célibataire avec un autre roman « A vau l’eau ». Son personnage, Folantin, ressemble à son créateur et nous parle encore au XXIème siècle. C’est un triste célibataire, un petit fonctionnaire sans attaches. Il est l’homme moderne par excellence, c’est M. Tout le monde.
Alors que Balzac ou Hugo traitaient de héros, lui a renoncé à être quelqu’un. Il s’est résigné à la médiocrité n’ayant de préoccupations que quotidiennes soit la nourriture et le confort.
C’est Huysmans sans l’écriture et la passion pour l’art. Il évolue dans un Paris désenchanté, américanisé par Haussmann. Cette modernité n’est que faux-semblants et uniformité.
Finissons avec l’espoir, comment sortir de cette solitude, chasser l’ennui, trouver un sens à son existence ? Huysmans a trouvé, dans une foi catholique murement et longuement adoptée, un moyen d’apaiser ses tourments. L’écrivain raconte cette conversion dans une tétralogie finale.
Ces quatre livres (Là-bas, En route, La cathédrale, L’Oblat) retracent son passage dans les méandres du mysticisme sataniste jusqu’à son entrée dans les ordres.
Je nous souhaite, cher auditeur, dans nos retours intérieurs, un déconfinement de nos cœurs ! A très vite !!