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Photo by Sven Scheuermeier on Unsplash

 
Big Banguienne, Big Banguien,
Cher lecteur, mon seul bien !
 
Ah, les vacances ! Quelle invention fantastique… Me diras-tu ? Oui, bien sûr ! Et j’ajouterai que les vacances sont un droit acquis de haute lutte par les hommes et les femmes innombrables ne gagnant leur vie que par leur travail.
 

Le paradoxe des vacances vu par Platon

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Photo by S O C I A L . C U T on Unsplash

 

Mais… Allons plus loin que ces déclarations somme toute assez consensuelles. Les vacances ne seraient-elles pas le symptôme du principal vice de nos sociétés ? Celui qui fait qu’inévitablement nos vies de tous les jours fassent murir, entre autres choses bien sûr, les fruits de la frustration et de l’épuisement. A un tel point que nous aurions, impérieusement, besoin de vacances, ces moments où nous ne vivons que pour nous et dont l’attente suffit à nous faire commencer les interminables journées de travail. Avoir envie d’être en vacances et en éprouver de la joie révèle notre insatisfaction de la vie ordinaire.

 

Ce paradoxe, tout humain, a déjà été montré près de quatre siècles avant notre ère par Platon dans ses dialogues entre Socrate et Protarque. Ainsi, parle Socrate :

 

« N’arrive t-il pas quelque fois (…) que l’un de nous soit vide mais conserve l’espoir d’être rempli (…) ? Absolument. Ne crois-tu pas qu’il jouit de cet espoir de se remplir (…) alors qu’il souffre d’être vide dans le même temps. Nécessairement. Voilà donc un moment où un homme (…) éprouve de la douleur et jouit en même temps. »

 

« Scène de plage », une interprétation romanesque de ce paradoxe

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Photo by Link Hoang on Unsplash

 

Là est, à mon sens, le ressort de la psychose mythomane du narrateur du drolatique roman « Scène de plage » de Charles Gancel. Tout son problème est que son sentiment paradoxal, éprouvé par chacun de nous, n’est pas réservé à certains moments mais est l’essence de son existence.

 

Il part en vacances en Corse et ce dans l’espoir, toujours, de rompre la monotonie de sa terne vie de fonctionnaire au Sénat par les éclats révolutionnaires des indépendantistes locaux contre l’impérialisme français. Mais son insatisfaction, sa mythomanie sont surtout révélées par son rapport aux femmes. Sa vie amoureuse se résume à des rapports tarifés et, bien plus encore, à des fantasmes. C’est l’illustration extrême du paradoxe de Socrate. Il est seul, en amour comme en amitié, et toute sa joie est dans son fol espoir de trouver, en quelques femmes qu’il rencontre, le Grand Amour.

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Photo by Sam on Unsplash

 

Mais, ne te méprends pas, « Scène de plage » est un livre drôle dont, chez l’auteur, on suppute les éclats de rire au moment de l’écriture de certains passages. Ce moment où le narrateur, avide d’aventures auprès des indépendantistes, s’achète l’habit local phare, « un tee-shirt noir soulignant des pectoraux bio-matérialisés et moulant des biceps massifs ». Bien sûr, au moment des essayages, il demande son avis à la vendeuse : « Alors ? Trop bien, m’sieur, trop bien… Et… je fais très corse, demoiselle ? Trop cool, m’sieur, trop bien. On dirait Steve Jobs, carrément… J’avais payé sans négocier, sans discuter. »

 

Voilà l’humour traversant ce récit du narrateur et de ses trois coups de foudre. La trame est organisée autour de sa chasse auprès d’une jeune femme corse, « une de ces beautés boudeuses dont la grâce vacille entre la fraîcheur de l’enfance et la triste corruption de l’âge adulte, poitrine nue sous un tee-shirt, naturellement trop court et dégageant le ventre. »

 

Tout le talent est de rendre un tel homme attachant. Car tu l’auras bien compris, notre ami momentané est un voyeur. Et le temps de la lecture, nous nous faisons voyeur à notre tour. Toi, lecteur avisé, pourra le voir tel qu’il a été créé… avec un détachement estival !

 

Tentons le tout pour le tout et faisons de nos vies d’éternelles vacances ! Prends bien soin de toi, mon ami, et je te dis à très vite !