Théâtre / A la ligne
Posté le 2 août 2022 dans par Auré..
Loin des salons des pièces de boulevards, des chambres à coucher des comédies romantiques, nous voici dans une usine.
Deux comédiens, deux paires de bottes dans le sang des vaches mortes laissées à notre imagination. Un décor nu, celui des murs du théâtre. La pièce rend hommage à ces travailleurs épuisés, brisés par ce bel euphémisme qu’est le travail à la ligne. S’il a remplacé l’expression du travail à la chaîne, il reste toujours sa pénibilité, son mépris social et son absence de reconnaissance. La pièce met en avant un sujet assez peu traité par le théâtre : les conditions de travail des ouvriers dans nos sociétés contemporaines.
La force du texte et la justesse des acteurs se suffisent à eux-mêmes, pas besoin de fresque ni d’accessoires. Tout est déjà là et tout sera dit. Et lorsque les mots n’ont plus d’écho, c’est la sueur qui parle. La course effrénée à la production, la poursuite des cadences imposées est physiquement représentée par des allers-retours incessants, des gestes ultra répétés, des déplacements rapides, secs d’humains devenus machines.
Pour entrevoir une lumière entre les lignes, il y a la littérature, la poésie, la connaissance. Quand le travail le leur permet, quand ils ne sont pas abrutis par sa charge, les personnages invoquent Baudelaire et évoquent le Marxisme. Les rimes d’un quatrain, la légèreté d’un refrain, un peu de courage pour finir ces journées qui n’en finissent pas.
Les protagonistes sont le reflet de l’auteur de la pièce, Joseph Pontus. Intellectuel s’interrogeant sur l’aliénation comme socle du capitalisme, l’homme sait de quoi il parle puisque sa saison en enfer, il l’a passée dans ces conserveries, ces abattoirs. La pièce est adaptée de son livre du même titre, multi-primé. Il aura contribué à porter haut les voix de ceux qui n’en ont plus, étouffées par le bruit des machines.
Du 21 au 24 septembre 2022 à 20h au Théâtre de Lorient
Auteur : Joseph Ponthus
Mise en scène : Katja Hunsinger
Interprète(s) : Julien Chavrial, Katja Hunsinger
Lumières : Valérie Sigward