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Photo by Andre Mouton on Unsplash

 

Il n’y a pas si longtemps, la journée mondiale des intelligences animales avait lieu. Cette journée prend habituellement place le 6 février. A cette occasion, la cité des sciences et industries avait préparé un programme haut en couleurs et passionnant. Intéressant ? Si vous êtes retardataire, pas de panique, le programme et les conférences sont disponibles sur YouTube. Mais pourquoi en parler alors aujourd’hui, en plein mois de mars ? La réponse est simple. Les intelligences animales sont célébrées quotidiennement, et ce depuis très longtemps. En effet, on les trouve dans la littérature, de Balzac à Duras, nos amis les animaux, ne sont pas de simple compagnons.

 

Les animaux sont, pour beaucoup, des passions. Intelligents, ils le sont sans aucune protestation. Sensibles, l’humaine profondeur de leurs émotions. Du lever au coucher, nourrissent notre affection Autant, dans nos cœurs, que notre admiration. Est indispensable, une ardente obligation, Pour les droits du vivant, une ample protection. Parlons d’intelligence mais est-ce là la question ? Elle recèle bien des formes, la concrète réflexion… Et leur humain désir de tisser des relations !

 

Les intelligences animales dans la littérature

La littérature foisonne de récits d’amitié. Le plus beau, celui de Balzac. Son génie s’y incarne dans une écriture émotive. Fin du XVIIIème siècle, Bonaparte mène l’hasardeuse campagne d’Egypte. Balzac y inscrit sa nouvelle Une passion dans le désert. Libéré de ses geôliers arabes, un soldat provençal erre dans le désert et sympathise avec une chatte féline. En voici un court extrait :

 

« Par un soleil éclatant, un immense oiseau plana dans les airs. Le Provençal quitta sa panthère pour examiner ce nouvel hôte ; (…) la sultane délaissée gronda sourdement. (…) Mais il y avait tant de grâce et de jeunesse dans ses contours ! C’était joli comme une femme. La blonde fourrure de la robe se mariait par des teintes fines aux tons du blanc mat qui distinguait les cuisses. Le Provençal et la panthère se regardèrent l’un et l’autre d’un air intelligent, la coquette tressaillit quand elle sentit les ongles de son ami lui gratter le crâne, ses yeux brillèrent comme deux éclairs, puis elle les ferma fortement. Elle a une âme…» – Une passion dans le désert, Balzac

UNE PASSION DANS LE DESERT

©  La Maison de Balzac

 

Les intelligences animales dans la philosophie

A rebours des pensées, plus contemporaines, de Martin Heidegger, nous découvrons que les animaux sont des esprits. Mais une question posée par le philosophe reste suspendue… Peuvent-ils s’observer, ressentir ennui et mélancolie ? La magistrale Marguerite Duras y répond, dans les années 70, avec Koko, un singe qu’elle appelle Africa. On lui a appris, dès sa naissance, le langage des signes :

 

« Cette grande animale, encore enfant, de couleur noire et d’une laideur si belle… Quand le matin, on lui demande : comment ça va ? Il arrive qu’elle réponde : Sad. On lui demande : pourquoi sad ? Elle dit qu’elle ne sait pas pourquoi elle est « sad » aujourd’hui. Africa trace « sad » sur son visage en langage sourd-muet, les deux doigts sur le chemin des larmes (…). Africa ne sait pas qu’elle est triste d’une tristesse qui nous est commune, à elle et à nous. Qu’elle est triste de tristesse mélancolique, de mélancolie au-delà de tout savoir. »

 

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©Couverture du DVD Koko par Barbet Schroeder

 

A quand l’émancipation animale ?

Notre singularité humaine a décidément du plomb dans l’aile. Mais leur ressemblance avec nous est-elle le motif de notre souci envers les animaux ? Sentir la douleur ne suffit-il pas ?
En 1789, le britannique Bentham défend les droits des animaux, sa référence historique interpelle :

 

« Le jour viendra peut-être où le reste de la création animale obtiendra ces droits que seule la main de la tyrannie a pu lui refuser. Les français ont découvert que la couleur de la peau ne justifie en rien l’abandon sans recours d’un être humain aux caprices de son bourreau. Un chien ou un cheval adulte sont, indéniablement, des animaux bien plus rationnels, (…) loquaces qu’un nourrisson (…). Et s’il en était autrement, qu’est-ce que cela changerait ? La question n’est pas : peuvent-ils penser (…) mais peuvent-ils souffrir ? »

 

Comme les esclaves, les animaux attendraient-ils une émancipation ? Avec toi, lecteur adoré, je réfléchirai, à tête reposée, à cette entêtante idée.