Big Banguienne, Big Banguien !
Cher lecteur, mon seul bien !
 
Voix et arts, termes contradictoires, en apparence !

La voix est éphémère, et du corps, une transparence.

Mais l’art, lui, est palpable, marque par sa persistance !

Expression du corps et du monde, voilà sa pertinence !

« Vivre, c’est donner de la voix », telle est sa consistance !

Les artistes ont cherché à la représenter avec constance !

 

Je t’avais proposé, cher lecteur, pour la journée mondiale de la radio, une étude de la voix comme marqueur d’identités personnelles et collectives. Alors, aujourd’hui, je m’en vais te parler de la voix comme mode d’expression artistique, donc esthétique, et revendicative soit politique.

 

La voix artistique : exprimer le mal-être

Commençons par la voix comme résonnance, représentée donc par les techniques des arts plastiques. Le peintre norvégien Edvard Munch le fait magistralement dans son tableau le plus célèbre, sobrement intitulé « Le Cri ».

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©nasjonalmuseet

 

Le Cri de Munch : l’expression des tourments psychiques

On ne va pas se le cacher, ce tableau est particulièrement anxiogène et n’est d’ailleurs dans aucun cabinet de psychologue. Et ce sentiment de frayeur, de frisson saisissant le spectateur n’est pas dû au hasard car Munch a voulu précisément en faire une incarnation de son mal-être.

« Le soleil se couchait. […] Le bleu, pâle et terne, le jaune et le rouge taillaient le fjord. Le rouge sang explosait et éclaboussait le sentier de la rambarde… J’ai senti monter un grand cri ».

Munch a peint cette vision… délirante, un cri d’effroi bouleversant le paysage scandinave ceint d’un ciel rougi, tourmenté par l’éruption du Krakatoa, 10 ans plus tôt.

 

Kurt Shwitters : déconstruction du langage

Le Cri de Munch est un tableau considéré comme une aube de l’art moderne, il précède les avants gardes artistiques de l’après première guerre mondiale dont celle, probablement la plus folle, du mouvement Dada. Dans leur logique de déconstruction de l’art classique, les dadaïstes vont jusqu’à remettre en cause le langage. Il y a en Allemagne, un artiste polymorphe incarnant parfaitement cette démarche, Kurt Schwitters.

 

De 1922 à 1932, il compose un poème phonétique baptisé « Ursonate ». Schwitters reprend la forme des compositions instrumentales de musique classique, les sonates où ses voix servent d’instruments, les onomatopées de notes.

Sa sonate prend cette forme  :

« Dans un rythme libre, les paragraphes et la ponctuation sont utilisés comme dans la langue, pour un rythme rigoureux, les barres de mesure ou les indications de mesure apparaissent par la division proportionnée en sections spatiales égales de l’espace typographique, mais pas de ponctuation. Donc, virgule, point, point-virgule, points d’exclamation, d’interrogation ne sont lus que pour la tonalité. »

 

La voix orale : quand l’art et la politique se croisent

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Photo by Kyle Head on Unsplash

 
Finissons, cher auditeur, par l’oralité de l’écriture et le théâtre avec le plus grand des comédiens Louis Jouvet. Outre sa profession d’acteur, il enseignait aux jeunes gens les ficelles du métier. Pour lui, l’acteur n’a que peu à faire, la voix du personnage qu’il interprète découle du texte avec ses sonorités, sa mélodie dictée par la ponctuation, son intelligence par la syntaxe.
Nous sommes en novembre 1940, Louis Jouvet donne à une de ses élèves, jouant le rôle de Camille dans Horace de Corneille, le conseil suivant :

« Dis le texte ; tu verras que le texte dit, proféré à haute voix, t’apportera des sentiments que tu contrôleras. Jamais tu ne l’aurais dit, toi, ce texte, jamais tu ne l’aurais inventé ; comment peux-tu imaginer que tu vas te mettre dans la situation de Camille et nous dire ce texte ? »

 

Le théâtre a toujours été une façon cachée de critiquer un gouvernement. On peut prendre par exemple le cas de Shakespeare qui situaient ses pièces en Italie ou au Danemark mais qui traitaient en réalité du gouvernement britannique et de ses mœurs. C’est notamment le cas dans Hamlet ou encore Le Marchand de Venise. Ainsi, la voix jouée sur les planche prend en plus de la dimension artistique, qu’est la représentation théâtrale, une dimension politique à qui sait écouter.

 

Nos voix sont précieuses, prends en soin, cher lecteur… Et je te dis, à très vite !