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©Folio-Gallimard

Big Banguienne, Big Banguien,

Cher lecteur, mon seul bien !

En matière de poisson d’avril,

Romain Gary a su garder le fil !

Sa situation rendait indispensable,

La création de ce double, admirable !

Pour être lu pour son écriture seule,

Il préparait, pour Gary, le linceul !

Chez les critiques, il n’était plus qu’un nécessaire passage…

Ajar était sans passé, on lirait d’autant plus ce personnage !

 

Le mystère littéraire Ajar-Pavlowitch et le prix Goncourt

Nous sommes le 17 novembre 1975, l’énigmatique Paul Pavlowitch alias Emile Ajar vient de remporter le prix Goncourt, graal littéraire suprême ; apogée de la carrière d’un écrivain révéré. Et, pourtant, comble du paradoxe, celui-ci, avide semble-t-il d’anonymat, indique dans une lettre qu’il refuse cet honneur tant désiré par tous les autres. Mais l’Académie a attribué son prix au livre « La vie devant soi » de ce jeune écrivain. Elle est devant Ajar comme Dieu et ses projets face à Job ; qui peut aller à son encontre ? Elle ne se démettra pas, c’était précisément le prix de sa crédibilité d’arbitre littéraire.

 

Un poisson d’avril romanesque : quand la création surprend le maître

Six ans plus tard, la raison de ce refus et du mystère Emile Ajar est révélée par Paul Pavlowitch lui-même aux lendemains du retour au pouvoir de la gauche unie, le 3 juillet 1981 dans la déjà culte émission de Pivot, « Apostrophes ». Oui, son cousin Romain Gary était bien l’écrivain derrière le masque de papier. C’est l’exemple caractéristique d’un poisson d’avril romanesque, d’une supercherie dont la réussite a surpris, dépassé son inventeur lui-même. Tout comme Frankenstein effraya son créateur, Romain Gary ne s’attendait pas à ses succès sous pseudonyme jusqu’à l’inimaginable, recevoir pour la seule fois de l’histoire un prohibé deuxième prix Goncourt.

 

Retour sur la naissance d’Emile Ajar, la renaissance de Romain Gary

Mais, alors pourquoi cette machination ? Elle n’est en rien capricieuse ; dans les années 60, Romain Gary est reconnu. Titulaire, une première fois, du Prix Goncourt en 1956 pour « Les racines du ciel », il est adoubé pour sa bouleversante autobiographie « La promesse de l’aube » en 1960. Seulement au fil des années, chacun de ses nouveaux livres est accueilli avec tiédeur, son personnage est connu et lasse.

 

C’est alors que lui vient l’idée de créer de toute pièce un auteur fictif, Emile Ajar, docteur français exilé en Amérique du Sud pour avortement. Gary publie sous ce pseudonyme, un premier ouvrage en 1973, « Gros-câlin », allégorie de sa supercherie où un homme tombe en fascination devant son python et ses mues spectaculaires. Le romancier fait, ainsi, « peau neuve » car si les thèmes abordés sont semblables, l’écriture, elle, est plus mordante, plus critique par son humour. Emile Ajar fascine d’autant plus qu’il est nimbé de mystère, qui est cet auteur anonyme au si grand talent ?

 

En 1975, Gary écrit sous ce même pseudo « La vie devant soi » dont la réception est triomphale. L’anonymat d’Ajar n’est plus tenable, le romancier offre le personnage à son petit cousin. Paul Pavlowitch, à 33 ans, jouera ce rôle auprès de la presse, la suite est connue.

 

L’ambition de Gary

La seule ambition de Gary, se conformer aux grandiloquents projets maternels, est résumée dans ces phrases :

« J’aimais à égrener tel un chapelet, un serti de beaux bijoux que la vie m’avait donnés. Compagnon de la libération, commandeur de la Légion d’honneur, prix Goncourt, premier consul de France. Tel un chapelet comme si il s’agissait de syllabes apprises par cœur et dépourvus de sens mais en fait tout cela m’importait énormément. Pourquoi seulement consul ? Pourquoi pas ambassadeur ? Pourquoi seulement Goncourt ? Pourquoi pas Nobel ? Pourquoi seulement une personne ? Pourquoi pas deux ? »

 

Cette affaire littéraire ne vous est sûrement pas étrangère. Elle a marqué l’Histoire de la Littérature et Romain Gary, aujourd’hui, reste l’un des auteurs français les plus appréciés et étudiés. Si vous souhaitez (re)découvrir cet auteur et ses textes, vous trouverez ses ouvrages en poche ici. Retrouvez également sur France Culture, dans la série Savoirs, un podcast en plusieurs épisodes la vie de l’auteur.

Prends bien soin de toi cher lecteur, et je te dis à très vite !